Qui va là? Point de vue de la méthode Feldenkrais® d'éducation somatique

Abstract:

Referring to seminal texts and influential authors in the field of biology of cognition, the author discusses connections between mind and body, insisting on the critical role of the body in the acquisition of knowledge viewed as a biological phenomena. She reviews in that context the principles of the Feldenkrais method of somatic education whose goal is essentially to restore the integrity and unity of sensorial, affective and intellectual levels of the self. This approach designed to enhance body awareness and consolidate body image through sequences of movements and functional integration is said to be most beneficial to actors and artists in their search for creativity but it may benefit as well individuals who seek improvement of their health and personal growth.

La célèbre réplique introductive à cet Hamlet de Shakespeare, considéré depuis des siècles comme un chef d'oeuvre universel, a fait couler beaucoup d'encre. Combien de commentaires et de lectures n'a-t-elle soulevés, en dehors même du champ des études théâtrales et littéraires! La psychanalyse s'est nourrie abondamment des ambiguïtés constitutives de cette oeuvre, comme des chefs d'oeuvre du théâtre grec. Comment ne pas être fasciné en effet à la fois par la structure de l'oeuvre et par la fonction centrale accordée au théâtre, notamment par la mise en abyme de la représentation de la Souricière devant le Roi, cette stratégie ultime de Hamlet pour observer, sur le visage du Spectateur soupçonné de meurtre, la révélation de sa véritable identité et pour se retrouver ainsi confronté lui-même à ses propres choix? La traduction française que l'on donne de la première réplique de Bernardo (<Who's there?»), l'un des gardiens des remparts d'Elseneur où se dessine l'ombre du Spectre, fait parfois appel au phénomène de l'être («Qui est là?») ou à celui du mouvement (« Qui va là?»). En ce qui me concerne, je préfère la seconde. Elle met à mon sens davantage en lumière le fait que la question de l'identité est organiquement reliée à la prise de conscience du corps en mouvement dans l'espace. Si Gerald M. Edelman reste convaincu que les artistes ne peuvent s'intéresser au phénomène de la conscience qu'en amateurs 2, Antonio R. Damasio (2001), d'un autre point de vue, s'appuie sur différentes oeuvres, entre autres sur l'oeuvre de Shakespeare, pour faire connaître au grand public les avancées dans les domaines de la neurologie et de la psychiatrie 3. Les ouvrages de vulgarisation de Gerald M. Edelman, comme Biologie de la conscience ou Comment la matière devient conscience, ceux de Antonio R. Damasio, L'erreur de Descartes ou Le sentiment même de soi, ceux d'Israël Rosenfield, comme Une anatomie de la conscience, recoupent les réflexions de Francisco J. Varela, biologiste et spécialiste des sciences cognitives 4 et rejoignent les recherches que mènent depuis plus d'une centaine d'années les fondateurs et les praticiens de plusieurs méthodes d'éducation somatique 5, particulièrement de la méthode Feldenkrais®. Celle-ci a depuis longtemps attiré l'attention de Varela, comme de plusieurs autres scientifiques, et cela du vivant même de Moshe Feldenkrais, docteur en sciences physiques et judoka 6.

Le corps, métaphore de l'esprit? L'esprit, métaphore du corps?

Un article comme celui de Carl Ginsburg, portant sur « The Somatic Self Revisited » 7, donne des pistes importantes non seulement à propos de l'apport de l'éducation somatique dans le domaine de l'étude de la conscience, mais également sur la façon dont elle envisage la question de l'identité. C'est qu'en effet l'éducation somatique s'intéresse à l'apprentissage de la prise de conscience du corps en mouvement dans l'espace et en relation avec son environnement, incluant de ce fait le contexte d'apprentissage, la culture de l'individu. Dès lors la question n'est plus tant de savoir qui va là, mais de s'intéresser au processus par lequel un être vivant sait, reconnaît qui il est et quels sont les choix qui s'offrent à lui pour agir le plus efficacement et avec le minimum d'effort dans une situation donnée, c'est-à-dire avec un maximum d'harmonie et de qualité, de sensibilité et de conscience, voire de créativité.

Cette question, associée aux processus cognitifs, a longtemps été envisagée comme si «le corps» ne participait pas au processus de la cognition, un processus dit «mental», comme si la tête ne faisait pas partie du corps, ou que le corps était dénué de tête. Il aura fallu une liberté d'esprit assez marquée, ou peut-être plus simplement une qualité d'observation et de réflexion scientifiques dénuées de préjugés philosophiques ou religieux, pour que la recherche médicale en arrive à proposer récemment que le cerveau soit considéré comme un organe faisant partie du corps, et que ce à quoi on réfère depuis des siècles comme étant l'esprit émerge du fonctionnement du système nerveux 8 (Edelman et Tononi, 2000). Telle est également l'hypothèse de base de l'éducation somatique et particulièrement de Moshe Feldenkrais depuis les années '40, qui permet d'échapper au dualisme d'une pensée réductionniste qui s'est imposé depuis Descartes.

Si le rêve scientifique qui nourrit les recherches sur la conscience aboutit par exemple chez Edelman à la production d'artefacts sophistiqués (des robots «conscients», c'est-à-dire capables d'apprendre, et non pas programmés de l'extérieur) dont la fonction serait de valider objectivement et quantitativement le fonctionnement d'un organe vivant comme le cerveau, celui des éducateurs somatiques émane avant toute chose de leur expérience subjective et repose davantage sur des données qualitatives. Souvent confrontés eux-mêmes à un problème de santé ou plus généralement à une problématique de survie, ils font, tout comme les artistes, appel à leur créativité pour apprendre à sentir davantage de l'intérieur le fonctionnement de leur organisme et de leur environnement et pour guider leurs élèves dans un processus d'apprentissage similaire. Tout comme les artistes, ils ont créé et appris à maîtriser, dans un parcours exigeant de longues années d'apprentissage, des techniques extrêmement précises et nourries de connaissances objectives, mais qui reposent sur une définition de la conscience du point de vue de l'expérience sensible et vécue. Bref du point de vue des qualia, question sur laquelle achoppe la recherche scientifique actuelle.

Les processus cognitifs, pour l'éducation somatique, ne font qu'un avec le processus biologique d'autopoièse tel que défini par Humberto Maturana et Francisco J. Varela dans Autopoiesis and Cognition. The Realization of the Living dans les années '7o 9, selon lequel un être vivant recrée constamment sa propre identité fonctionnelle, à travers le mouvement incessant de ses composantes et de sa structure. Le cerveau et le reste du corps en effet, ne font qu'un, le cerveau se nourrissant et s'affectant de mouvements, de sensations, d'expériences de tout le système nerveux, squelettique, musculaire, digestif... Maturana et Varela ont été les premiers biologistes à poser clairement l'hypothèse que la connaissance était un phénomène biologique et à lancer le débat sur cette question dans le milieu scientifique.

Comment le sol vous reconnaît-il?

S'il existe un miroir qui ne puisse pas mentir, et qui soit révélateur non pas des apparences mais de l'identité même, c'est bien la relation à la gravité. Moshe Feldenkrais ne disait-il pas que la plus grande découverte de Freud était l'utilisation du divan? En éducation somatique, la qualité du contact avec le sol et la capacité de modifier subtilement cette relation à toutes les étapes du mouvement, c'est-à-dire de la vie même, à chaque seconde de la respiration, sont un révélateur de la personne et, pour Moshe Feldenkrais, celui de la qualité du fonctionnement du système nerveux. Les empreintes au sol, si révélatrices pour des policiers ou des scientifiques qui s'intéressent au passé des espèces vivantes, sont au coeur de l'éducation somatique. Mais plutôt que d'y découvrir uniquement les traces d'un passé éteint, caché ou dénié, on décèle dans la relation à la gravité, en éducation somatique, la manifestation du moment présent, c'est-à-dire à la fois les traces d'une mémoire et la façon dont une personne arrive ou non à transformer ses intentions en actions, à s'organiser dans le temps et l'espace. De plus, le rapport ludique avec le sol, le recours au toucher comme mode premier de communication permettent de remettre en mouvement les mécanismes profonds d'apprentissage, de survie et de création. Moshe Feldenkrais fait constamment appel à trois grands thèmes: l'unité indissociable du corps et de l'esprit, l'importance primordiale de la relation à la gravité et le pouvoir squelettique qui s'y rattache, l'image du corps (autrement appelé le schéma corporel) comme référence à soi qui se clarifie et donc qui se modifie au cours des leçons d'éducation somatique.

Il a écrit de nombreux Livres dont La conscience du corps (1971) ou L'évidence en question (1997), portent des titres évocateurs. Déjà il publiait, en 1948, L'être et la maturité du comportement (1993), une étude sur l'anxiété, l'apprentissage, la sexualité et le rapport à la gravité. Une synthèse surprenante pour l'époque, et cela même pour ceux qui avaient une vision globale de l'être humain. Il écrira, l'année suivante, en 1949, The Potent Self (en français: La puissance du moi, 1990) qui propose l'apprentissage de la spontanéité (opposée à la compulsion) et qui ne sera publié qu'un an après la mort de son auteur.

Il existe deux modalités développées par Moshe Feldenkrais pour guider l'apprentissage. Les leçons de groupe de Prise de Conscience par le Mouvement'® sont composées de séquences de mouvement élaborées pour développer une meilleure organisation neuro-motrice. Reliés à des fonctions spécifiques, ces mouvements sont présentés de manière inhabituelle, non linéaire, afin de stimuler la créativité, de changer ses habitudes et de trouver des alternatives qui soient confortables, basées sur ses propres repères sensoriels. Dans les leçons individuelles d'Intégration Fonctionnelle'®, l'élève peut également, en plus des consignes verbales, être guidé par le toucher du professeur qui explore avec lui de nouvelles options en mouvement. C'est un toucher qui écoute et qui accompagne. Un toucher suggérant des schèmes moteurs oubliés ou qui n'existent pas encore dans le répertoire de mouvements de cette personne. Un contact qui aide à préciser des zones floues dans la perception que la personne a d'elle-même. Ce que fait le professeur, c'est entretenir un dialogue avec l'élève par le mouvement. En résumé la Méthode Feldenkrais® repose sur une compréhension approfondie (et d'abord expérientielle) de plusieurs principes fondamentaux: l'organisation du corps en mouvement dans le champ de la gravité; le fonctionnement auto-régulé du système nerveux; l'intégrité indissociable de la personne aux plans sensoriel, émotif et intellectuel; la primauté de l'image du corps dans le contrôle du comportement. Les conditions créées par notre méthode misent sur nos capacités d'apprentissage. C'est une approche stratégique qui s'intéresse au «comment» plutôt qu'au « pourquoi » des choses. Elle utilise la réduction de l'effort et de la vitesse; l'augmentation de la sensibilité fine; la recherche du confort et de l'aisance; une absence de modèle à imiter; la recherche des indices personnels de qualité; une progression graduée dans la complexité; une vision globale de tout le corps et de toute la personne en mouvement. Les principales stratégies de la méthode s'articulent autour d'une approche sécurisante pour l'élève, la plus indirecte possible par rapport au lieu de la douleur, du trauma ou du «problème», dans la perspective que l'on s'adresse à l'ensemble de la personne, à l'intelligence de son système nerveux, à ce qui est en santé en elle, et non à ses perceptions biaisées.

Comment savez-vous qui vous êtes et où vous allez?

Le point de vue de l'éducation somatique est à la fois beaucoup plus ancien et beaucoup plus neuf qu'on ne l'imagine. Beaucoup plus important et porteur de solutions organiques que l'on ne croit, face à des problématiques qui sont trop profondes et partagées par trop d'humains pour qu'elles soient seulement individuelles ou culturelles, ou de nature pathologique. On s'intéresse avec raison aux composantes chimiques du fonctionnement humain et à ce que l'étude des lésions du cerveau peut nous apprendre sur le fonctionnement et la nature même du phénomène vivant. Mais ma pratique et mon enseignement dans le domaine du théâtre et de l'éducation somatique continuent à m'apprendre que, fondamentalement, les êtres humains ne peuvent assumer leur liberté et devenir pleinement créateurs sans cette reconnaissance au jour le jour de leurs habitudes de mouvement dans le champ de la gravité, de leurs préférences de comportement, de leur propre manière de faire et de percevoir. Et cela non pas pour fuir leur être propre et se conformer à un modèle idéal, inaccessible tout autant qu'irréel, mais pour faire la paix avec euxmêmes et assumer ce qu'ils sont et ce qu'ils font. La prise de conscience de ses schèmes neuromoteurs est fondamentale et permet non seulement d'améliorer ce que l'on aime faire, mais aussi d'y apporter des variations créatives, que l'on pourrait parfois qualifier de changements profonds dans son comportement.

Au théâtre, on utilise des mots, beaucoup de mots. On les apprend même «par coeur». On les «joue». On tente de se souvenir qu'un être humain les a écrits et qu'il sont là pour nous renvoyer à nous-mêmes et communiquer avec d'autres humains. Lisez une phrase qui vous touche, même si vous ne savez pas pourquoi, ou si vous croyez savoir pourquoi! Nommez trois mots caractéristiques, trois qualificatifs ou images auxquels cette phrase vous renvoie. Répétez cette phrase à haute voix et écoutez-la résonner en vous en laissant se préciser d'où viennent concrètement les images que vous apprenez à différencier l'une de l'autre. Qu'est-ce que vous faites pour préciser ces images à l'intérieur de vous? Comment savez-vous ce que vous sentez? Ces images se traduiront vite par un schème de mouvement dont vous seul connaîtrez les repères, qui vous permettent de les répéter jusqu'à ce qu'ils deviennent habituels. Jouez à faire une gamme entre les trois schèmes de mouvement qui vont s'intégrer dans une forme que vous n'auriez pu prévoir. Cela est simple et très amusant. Vous voilà mis en contact avec un nouveau personnage dont vous ne pouviez peut-être même pas savoir qu'il constituait l'un des aspects de l'humanité en vous ... et de votre identité.

Identifiez un verbe, deux, trois verbes d'action, qui sont reliés à la personne à qui vous désirez dire cette phrase, avec laquelle vous entrez par elle en relation. Faites des gammes. Écoutez de l'intérieur comment vous réagissez à la construction du mouvement de l'autre qui répond à votre intention, à sa relation envers vous, à la réponse qui surgit et qui se modifie au rythme des modifications de vos mouvements propres. Vous venez de créer un dialogue, une relation fondamentale entre deux êtres humains. Qu'aviez-vous donc à dire de si important? Était-ce dans les mots? Vous venez de clarifier cette relation et peut-être, de l'enrichir de manière insoupçonnée. Car comment savez-vous ce que vous savez si bien à propos de vous-mêmes et de vos intentions? Vous n'avez qu'à prêter un moment attention à ce que vous sentez et à ce que vous faites en mouvement, et à vous laisser guider par qui, de l'intérieur de vous-même, sait.

Mon propre cheminement en éducation somatique, parallèlement à ce qui m'est cher dans l'expérience artistique, m'a davantage appris, à moi comme à bien d'autres, à brûler des masques qu'à disparaître sous celui qui est imposé. C'est à cette liberté dans la construction de personnages différenciés, à cette mobilité dans l'expérience de son identité, que renvoie la prise de conscience de repères sensoriels dans la construction d'un comportement, associés à des «marqueurs somatiques», pour reprendre l'expression proposée récemment par Antonio R. Damasio 10, dans un contexte d'apprentissage. C'est ce que font les acteurs depuis les premières intuitions de Stanislavski. Mais avec les outils qu'apporte l'éducation somatique, on peut aller beaucoup plus en profondeur dans ce type de recherche, avec beaucoup plus de précision et de plaisir. Au théâtre, cela est extrêmement précieux. Dans la vie quotidienne, cela est inestimable.


Professeure certifiée de la Méthode Feldenkrais®1, d'éducation somatique depuis 1991, l'auteure est également comédienne et metteure en scène, diplômée du Conservatoire d'Art dramatique de Montréal en 1976. Elle a complété son doctorat en Études françaises à l'Université de Montréal en 1987, portant sur L'acteur et le corps apparent. Elle enseigne depuis 1977 dans diverses universités et maisons d'enseignement théâtral et a dirigé une compagnie de théâtre pendant plus de 15 ans. Elle a fondé en 1995 Autopoïésis, école d'art destinée à l'intégration de la Méthode Feldenkrais® à la formation, à la recherche et au perfectionnement des artistes.

Adresse: 1012, Mont-Royal est, bureau 107 Montréal (Québec) H2J1X6
Courriel:oguimond [at] videotron [dot] ca
Web site: http://pages.infinit.net/oguimond


Références

Damasio AR. Le sentiment même de soi. Paris: Odile Jacob, 1999.
Damasio AR. L'erreur de Descartes. Paris : Odile Jacob, 2001.
Edelman GM. Biologie de la conscience. Paris: Odile Jacob, 2000.
Edelman GM, Tononi G. Comment la matière devient conscience. Paris : Odile Jacob, 2000.
Feldenkrais M. Awareness Through Movement, Health Exercices for Personal Growth. New York: Harper & Row; Toronto: Fitz Henry Whiteside, 1972, 1977; Hammandworth, Middlesex, England, Pengouin Books, 1972-1977; publié en français sous les titres suivants: La conscience du corps. Paris : Robert Laffont, 1971; La santé en 12 leçons. Paris, Marabout service #211, 1972, et actuellement réédité sous le titre: Énergie et bien-être par le mouvement. Paris: Dangles, 1993.
Feldenkrais M. L'évidence en question. Paris, L'inhabituel, 1997. Paru d'abord sous le titre: The Elusive Obvious. Cupertino, Meta Publications, 1981.
Feldenkrais M. Body and Mature Behavior, A study of Anxiety, Sex, Gravitation and Learning. New York: nt Univ Press, 1981; publié en français sous le titre L'être et la maturité du comportement, une étude sur l'anxiété, le sexe, la gravitation et l'apprentissage. Paris: Espace du Temps présent, 1993.
Feldenkrais M. The Potent Self, A guide to Spontaneity. San Francisco: Harper & Row, 1985, traduit en français sous le titre : La puissance du moi. Paris: Robert Laffont, Coll. Réponses, 1990.
Ginsburg C. «The Somatic Self Revisited». Newbury Park CA: Sage Publications, Reprint of Journal of Humanistic Psychology 1996; 36 :124-140.
Rosenfield I. Une anatomie de la conscience. Paris: Flammarion, 1993.
Varela FJ, Thompson E, Rosch E. L'inscription corporelle de l'esprit, Sciences cognitives et expérience humaine. Paris: Seuil, 1993.


Notes

  1. Feldenkrais®, Prise de Conscience par le Movement® et intégration Fonctionnelle® sont des marques déposées au Canada par la Feldenkrais® Guild of North America et protégées au Québec par l'Association Feldenkrais® Québec, affiliée à cette dernière. L'usage de ces termes est réservé aux praticiens ayant complété une formation professionnelle à la méthode échelonnée sur quatre années, et qui répondent aux critères de certification de chacune des associations. Celles-ci sont réunies au sein de la Fédération Feldenkrais® internationale.
  2. Voir la conclusion du livre de Gerald M. Edelman et Giulio Tononi, Comment la matière devient conscience. Paris: Odile Jacob, 2000. On peut y lire par exemple: « Reste un point fascinant qui tient au caractère exhaustif de la quête scientifique. Toutes les relations douées de sens au niveau de la conscience constituent-elles des objets pour la recherche scientifique? Prenez, par exemple, les phrases sensées du langage courant ou même les échanges poétiques qui ont lieu entre humains sensibles. Il nous semble, ici et maintenant, que ce ne sont pas là de bons sujets pour la recherche scientifique, sauf au sens trivial.» (p. 263)
  3. Voir par exemple : «Raconter des histoires sans paroles est naturel. La représentation en images de séquences d'événements cérébraux, qui se produit dans des cerveaux plus simples que les nôtres, est le matériau dont sont faites les histoires. C'est peut-être bien parce que l'on s'est mis à raconter une histoire où les mots n'étaient pas encore là que l'on a fini par créer des pièces de théâtre et finalement des livres (...) Quoi qu'il en soit, il est merveilleux de penser que les tout premiers cerveaux qui ont construit l'histoire de la conscience répondaient à des questions qu'aucun être humain n'avait encore posées: quel est celui qui fabrique ces images qui viennent juste de se produire? Qui possède ces images? «Qui est là?», comme dans le premier vers émouvant de Hamlet, pièce qui illustre si puissamment la stupéfaction des humains, lorsqu'ils se penchent sur les origines de leur condition. Les réponses devaient venir d'abord par quoi j'entends que l'organisme avait à construire, initialement, le genre de connaissance qui ressemble à des réponses. L'organisme devait être capable de produire cette connaissance primordiale, qu'on n'avait pas sollicitée, afin qu'un processus de connaissance puisse se trouver fondé (...) Raconter des histoires, au sens d'enregistrer ce qui arrive sous la forme de cartes cérébrales, voilà qui est probablement une obsession du cerveau et qui commence probablement tôt, à la fois en termes d'évolution et en termes de structures neurales requises pour créer des récits. Raconter des histoires vient avant le langage, puisque c'est, en fait, une condition du langage (...) In: A. R. Damasio, Le sentiment même de soi. 1999: p. 192-193
  4. Voir par exemple Francisco j. Varela, Evan Thompson, et Eleanor Rosch, L'inscription corporelle de l'esprit, Sciences cognitives et expérience humaine. Paris: Seuil, 1993.
  5. Parmi les fondateurs de méthodes qui ont fait leurs preuves, Frederick Matthias Alexander, cet acteur australien à l'origine de la Technique Alexander, à la fin du XIXe siècle, constate avec horreur qu'il perd la voix sur scène, au cours de sa performance, sans qu'aucun spécialiste ne puisse lui venir en aide. Il est amené à devoir déjouer par lui-même ses habitudes de comportement plutôt qu'à demeurer la victime de son stress. En même temps que Moshe Feldenkrais développe ses idées fondamentales, le docteure Lily Ehrenfried, médecin allemande immigrée en France, crée la Gymnastique Holistique ®: si elle ne peut plus pratiquer la médecine, du moins cherche-t-elle à ce que les gens ne deviennent plus malades. Elle mise sur le maintien de la santé, sur la prévention et l'éducation. S'inspirant aussi, comme Lily Ehrenfried, des travaux d'Elsa Gindler (pionnière qui a marqué les années '20), Gerda Alexander, au Danemark, danseuse ayant enseigné ta rythmique de Jacques-Dalcroze dans sa jeunesse, crée sa méthode d'Eutonie, axée sur la recherche du «bon tonus», quand elle se voit atteinte à 25 ans d'arthrite rhumatoïde. Plus récemment, Thérèse Bertherat en France, kinésithérapeute dans la lignée des recherches de Mézières, crée l'Antigymnastique et fait savoir au grand public francophone que Le corps a ses raisons. Aux États-Unis, Bonnie Benbridge Cohen, elle aussi danseuse et thérapeute à l'origine, poursuit toujours ses recherches autour du concept du Body-Mind Centering. Cette liste est loin d'être exhaustive.
  6. La Méthode Feldenkrais® porte le nom de son auteur, un juif né en Russie en 1904. Moshe Feldenkrais a gagné la Palestine par ses propres moyens à l'âge de 14 ans et contribué à l'édification de son pays. A partir de 1928, il a étudié à Paris, où il est devenu simultanément docteur en Sciences physiques et ingénieur. Il a travaillé, entre autres, au laboratoire des Juliot-Curie. Sportif accompli, il a été très actif dans l'implantation du judo en France et en Angleterre dans les années '30 et '40. Ce long travail d'apprentissage et d'enseignement d'un art martial a été une source d'inspiration très importante pour l'élaboration de sa méthode et sans doute en ce qui concerne son intérêt pour le travail de l'acteur. L'autre facteur déterminant a été une blessure grave au genou, blessure qui l'a forcé à s'intéresser à sa rééducation, au lien entre le mouvement et le fonctionnement du système nerveux, et à l'unité indivisible de la psyché et du soma. En effet, à son époque, les pronostics d'une opération à son genou l'ont mis en situation de faire un choix : soit il remarcherait normalement, soit il connaîtrait peut-être encore plus de limitations. Il fit donc le choix de refuser l'opération chirurgicale et de trouver par lui-même comment se remettre à marcher le plus
    normalement possible. La synthèse de ses expériences antérieures, mêlée à une grande curiosité entre autres pour la biologie, ta neurophysiologie, la psychologie et le développement périnatal, lui a permis de prendre en charge sa propre rééducation. Cette découverte personnelle le mena à élaborer sa recherche et la méthode de travail qui en est issue. Il a enseigné en Europe, aux États-Unis, en Australie et en Israël où il est mort en 1984
  7. Dans le sommaire de présentation de cet article, on peut lire: «Confusions as to how we use the concepts self, personality, subpersonality, and so on persist. Updating a previous contribution, the notion of identities, as distinct constructions and organizations of the somatic being, is introduced. In this way, it is possible to account for the observation that people exhibit, or experience within themselves, varying personalities in different contexts, and at the same time acknowledge the underlying unity of being of the person» (Ginsburg, 1996)
  8. Voir par exemple Gerald M. Edelman et Giulio Tononi, in Comment la matière devient conscience: «En tant que systèmes vivants, nous sommes également soumis à des contraintes évolutives indépendantes des lois de la physiques. La conscience, bien qu'elle soit très particulière, est le produit d'innovations évolutives touchant la morphologie du corps et du cerveau. L'esprit naît du corps et de son développement; il est incarné et fait donc partie de la nature. »(p. 255)
  9. Autopoiesis, The Organization of the Living a été publié à l'origine au Chili sous le titre: The Maquinas y Seres Vivos. Edit. Univ. S.A., 1972. Publié ensuite avec Maturana Humberto R., Biology of Cognition (1970) dans un ouvrage qui regroupe les deux essais; Maturana Humberto R., Varela Francisco J., Autopoiesis and Cognition. The Realization of the Living, D. Reidel PubI. Co., Dordrecht: Holland, et dans Boston Studies in the Philosophy of Science, 1980, volume 42.
  10. L'hypothèse des marqueurs somatiques est posée par Antonio R. Damasio au chapitre VIII de L'Erreur de Descartes. Damasio a mis en lumière, entre autres, l'importance des émotions dans toute prise de décision. On peut lire par exemple: « En bref, les marqueurs somatiques représentent un cas particulier de la perception des émotions secondaires, dans le cadre duquel ces dernières ont été reliées, par apprentissage, aux conséquences prévisibles de certains scénarios. Lorsqu'un marqueur somatique négatif est juxtaposé à un résultat prédictible particulier, il joue le rôle d'un signal d'alarme. Lorsque cette juxtaposition concerne un marqueur somatique positif, celui-ci devient au contraire signal d'encouragement.» (p.240)

Address: 1012, Mont-Royal est, bureau 107, Montréal (Québec) H2J 1X6
E-mail: oguimond [at] videotron [dot] ca
Web site: http://pages.infinit.net/oguimond

AttachmentSize
Guimond_french.pdf70.08 KB